Un antibiotique efficace et contre la résistance des microbes
découvert
Un
antibiotique très prometteur pour le traitement des agents pathogènes
résistants aux médicaments vient d’être découvert dans un
terrain herbeux boueux, par une équipe de chercheurs.
Cet
antibiotique, nommé teixobactin, est
efficace contre la bactérie mortelle SARM (Staphylococcus aureus
résistant à la méticilline) chez la souris et chez beaucoup d'autres agents
pathogènes en milieux cellulaires. Mais son efficacité reste à être testée sur
des humains.
Les résultats
probants d’efficacité de l’antibiotique contre les microbes ont été publiés
dans la revue Nature, au début de l’année (7 Janvier).
Les
chercheurs, travaillant au département de biologie de Northeastern University
de Boston, aux Etats-Unis d’Amérique ont découvert cet antibiotique en
utilisant une simple méthode qui permet aux bactéries de se sentir chez eux
dans le laboratoire.
La plupart
des antibiotiques disponibles sur le marché ont été découverts grâce au
dépistage du sol permettant aux bactéries mûres de tuer leurs concurrents. Mais
seule une petite proportion de bactéries isolées au sol arrive à véritablement
grandir en laboratoire dans des conditions normales de culture pour permettre
de développer de nouveaux médicaments.
Kim Lewis, du
Centre de découverte antimicrobienne de Northeastern University de Boston et
auteur principal de l’étude et son équipe, ont donc trouvé une nouvelle méthode
basée sur un dispositif appelé « iChip » qui permet aux bactéries de grandir
normalement en laboratoire comme dans leur milieu naturel et ainsi aboutir à la
découverte des bactéries capables de produire naturellement des composés
mortels à d'autres agents pathogènes.
Grâce à ce
dispositif, environ 50 % des microbes sont capables de croitre en laboratoire
contre 1 % en l’absence de cet outil.
Ce dispositif
a été utilisé pour dépister 50 000 types de bactéries vivant dans le sol et les
différents tests menés sur 10 000 colonies bactériennes ont abouti à 25
antibiotiques potentiels dont teixobactin est le plus prometteur, disent les
chercheurs dans leur étude.
« Cette
découverte est une révolution dans la lutte contre les bactéries
multirésistantes », a déclaré Lamine Saïd Baba-Moussa, chercheur au département
de biochimie et Biologie cellulaire, de la Faculté des Sciences et Techniques (FAST), de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC),
au Bénin.
Un espoir pour éradiquer la
tuberculose
Parmi les
bactéries tuées par teixobactin figure Mycobacterium tuberculosis provoquant la
tuberculose.
La
tuberculose est l’une des principales
causes de décès en Afrique. Même si l'objectif du Millénaire pour le
développement qui consiste à inverser la tendance de l’épidémie de tuberculose
d’ici 2015 a été atteint, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), le
recul de la morbidité et la mortalité dues à la maladie n’est pas encore assuré
dans beaucoup de pays africains.
Baba-Moussa
affirme que la découverte de cet antibiotique offre un grand espoir pour
l’éradication de la tuberculose et bien d’autres affections telles que l’Ulcère
de buruli.
Selon le
chercheur, les études réalisées au Bénin sur cette maladie, montrent la
résistance des bactéries (Mycobacterium ulcerans et Staphylococcus aureus) aux antibiotiques (méthicilline) compliquant parfois les traitements.
« Avec ce
nouvel antibiotique, on pourra lutter contre plusieurs germes à la fois. Cet
antibiotique sera surtout d’un grand renfort dans la lutte contre les bactéries
résistantes aux céphalosporines de troisième génération ». Mais le chercheur estime
que la seule condition pour arriver à ce résultat est que le coût du médicament
soit abordable pour les populations africaines.
Parade contre la résistance des
microbes
Les microbes
développent de plus en plus de la résistance aux antibiotiques et cela suscite
des inquiétudes à travers le monde. La
résistance aux antibiotiques s’accroît dans des proportions inquiétantes alors
que le rythme de développement de nouveaux antibiotiques ralenti.
En 2014,
l'OMS a tiré la sonnette d'alarme sur les dangers de la résistance des microbes
aux antibiotiques qui pourraient entraîner l’insuffisance « des ressources
thérapeutiques disponibles pour traiter certaines maladies infectieuses ».
Selon
Baba-Moussa, l’augmentation des bactéries multi-résistantes dans les pays africains
est due aux traitements antibiotiques souvent mis en place sans un diagnostic
approfondi du germe mis en cause au regard du
coût des analyses nécessaires.
« Le prix
élevé des antibiotiques vendus dans les officines poussent les africains à se tourner
vers les médicaments de la rue qui sont non seulement mal conservés, mais
surtout de contrefaçons. Ces médicaments sont parfois sans principes actifs ou
pour la plupart mal dosés. Aussi, l’usage abusif des plantes médicinales
constitue un danger car ces plantes en réalité contiennent des principes
actifs. Elles sont utilisées avec des posologies arbitraires sans aucune base
scientifique. Tout ceci favorise le développement des bactéries multirésistantes.
Pendant longtemps, les bactéries multirésistantes étaient observées
essentiellement en milieu hospitalier mais aujourd’hui, il en existe beaucoup
d’origine communautaire », a expliqué Baba-Moussa à SciDev.Net.
L’antibiotique
Teixobactin constitue une nouvelle parade contre cette situation de résistance.
Lewis en est certain : il a déclaré qu’il sera très difficile pour les microbes
de développer une résistance contre cet antibiotique. Son équipe et lui pensent que si teixobactin
est utilisé pour traiter les hommes, il faudrait au moins 30 ans pour que les
bactéries développent une résistance.
« La
découverte de cet antibiotique est donc salvatrice pour la santé humaine », a déclaré
Baba-Moussa.
Natacha
Nouwakpo, pédiatre à l’hôpital de zone d’Akpakpa, à Cotonou, au Bénin a, pour
sa part, déclaré que la découverte est intéressante mais, elle pense que ce n’est
pas une molécule miracle qui réglerait
les problèmes en Afrique.
« Les
nouvelles bactéries résultent de notre mauvais usage des antibiotiques
existant », estime Nouwakpo, qui a laissé entendre que l'usage des
antibiotiques est malheureusement abusif en Afrique et une absence de prise de
conscience est préjudiciable pour la santé.